
Les équipes responsabilisées, la solution pour valoriser et fidéliser les soignants en EHPAD
Pour répondre aux enjeux croissants du secteur médico-social, Julie Coustenoble, directrice de la Résidence Noël Leduc, a impulsé un changement profond dans l’organisation de son établissement, en misant sur l'autonomie et la responsabilisation de chaque professionnel. Située à Hasnon, dans les Hauts-de-France, la Résidence Noël Leduc est un Ehpad de la Fondation Partage & Vie accueillant plus de 70 résidents. Pour Julie et ses équipes, ce fonctionnement en équipes responsabilisées s’est révélé être la clé d’une meilleure qualité de vie au travail et d’une prise en charge des résidents toujours plus personnalisée.
Julie Coustenoble, Anthony Trésorier (Responsable cadre de vie et coach d’équipes responsabilisées) et Virginie Dehon (éducatrice spécialisée, coordinatrice de l’unité de vie protégée et coach d’équipes responsabilisées) nous racontent cette transformation vécue de l’intérieur : constat, projet, mise en œuvre et bénéfices d’un fonctionnement horizontal à responsabilités partagées.
Ces extraits sont issus du webinaire co-animé avec Imane Remmal (Directrice des Partenariats chez Hublo) : “Equipes responsabilisées, LA solution pour attirer et fidéliser vos soignants” qui a eu lieu le mardi 13 mai 2025.
SOMMAIRE :
- Le concept des équipes responsabilisées
- Le déclic du changement
- La mise en place des équipes
- Le fonctionnement en équipes responsabilisées
- Le rôle de directrice
- Valoriser les appétences de chacun
- Le recrutement et l’intégration des nouveaux salariés
- Les impacts du modèle
- Une gestion des remplacements optimisée grâce au logiciel Hublo
1. Le concept des équipes responsabilisées
Julie C : “La définition d'une équipe responsabilisée au sein de la Résidence Noël Leduc est une équipe de 10 à 12 professionnels qui sont impliqués aussi bien collectivement qu'individuellement pour le bien-être du résident. Chaque professionnel s'engage individuellement sur des sujets de consulting en parallèle de ses missions de soignant. Et collectivement, en réunion d'équipe, accompagné par un coach, pour réfléchir à la meilleure organisation et aux moyens à mettre en place pour garantir le bien-être des résidents accompagnés.”
Il n'y a pas de copier-coller, il faut vraiment trouver des sources d'inspiration et créer son propre modèle. Pour moi, le modèle des équipes responsabilisées, ce n'est pas un protocole qu'on peut appliquer. A un instant T, on se sent prêt à se lancer en fonction de l'historique de l'établissement et en fonction des compétences des professionnels.
Il n'y a pas de modèle prédéfini, donc c'est difficile de se donner une temporalité précise pour se transformer. Ce qu'il faut, c'est être patient, parce qu'en fin de compte, on se lance dans l’inconnu.
Les indicateurs ne sont fiables qu'à partir de 2024, pour un modèle qui a été lancé en 2021, donc ça prend trois ans. Les équipes n'ont pas progressé au même rythme. Une des équipes a mis un peu plus de deux ans à trouver son mode de fonctionnement et sa stabilité."
2. Le déclic du changement
Julie C : “La Fondation Partage & Vie avait répondu à un appel à manifestation d’intérêt de l'ARS pour améliorer les conditions de travail des collaborateurs.
Je me suis retrouvée dans une équipe apprenante par hasard et personnellement, j'estimais en tant que jeune directrice que je n'avais pas forcément à me remettre en cause sur le fonctionnement de l’établissement. J'étais plutôt dans un constat général que le secteur médico-social allait mal, que ce n'était pas de mon fait et que je n'avais pas forcément une pierre à apporter à l'édifice.
En fin de compte, après avoir écouté des témoignages sur des services à domicile et des foyers qui avaient franchi le cap, par des lectures et des comités de développement, nous nous sommes dit que nous n'avions rien à perdre à essayer quelque chose. Cela nous a pris quand même un an de réflexion et à un moment donné, on s'est dit, on va constituer notre modèle et on se lance.”
Virginie D : "J'ai bien accueilli le changement. Je me suis dit tout de suite, ça va être super, parce que ça va leur permettre de vivre cette proximité avec les résidents, de mieux les connaître, puisqu'on va sectoriser, pour que ce soit des plus petites équipes."
Anthony T : "De mon côté, c'était plutôt à reculons. Je ne voyais pas vraiment l'intérêt. Je ne me retrouvais plus vraiment dans mon travail. C'était un peu compliqué de mon point de vue de manager qui est censé prendre les décisions par rapport aux équipes. J'ai dû prendre du recul. Je ne me retrouvais pas du tout."
Julie C : "C’est bien que l’on ait Virginie et Anthony, parce que ça illustre bien le ressenti global de l'équipe. Nous avons vraiment eu deux équipes, ceux qui ont vraiment réagi positivement en se disant c'est super, on va y aller, et ceux qui ont ressenti la crainte de se lancer. Ils se disaient : “pourquoi vous voulez tout changer, tout va bien.” Je pense qu'il y a quand même cette peur aussi de se remettre en question et c'est un gros travail au préalable de savoir se remettre en question. C'est pas toujours évident quand on a des habitudes de travail. On sait que là en se lançant dans le modèle des équipes responsabilisées, tout va être remis en cause. Et ça, il faut s'y préparer.”
3. La mise en place des équipes responsabilisées
Julie C : “La première étape, ça a été la constitution d'une équipe projet. Donc, à partir du moment où j'ai été convaincue personnellement par la nécessité de changement, j'ai informé l'ancien CODIR qu'on appelle aujourd'hui équipe support. Nous considérons que le changement va aussi avec un changement de vocabulaire. J'ai constitué une équipe projet en envoyant un mail assez flou à l'équipe en disant que j'avais la volonté de modifier le management sur l'établissement et que j'appelais chaque professionnel volontaire à s'impliquer dans une équipe projet pour construire notre nouveau modèle. J'ai eu une dizaine de professionnels qui se sont embarqués dans cette équipe projet sans savoir réellement dans quoi ils s'embarquaient. Il y a vraiment cette notion de confiance qui est importante aussi au départ.
Nous avons d'abord travaillé sur un état des lieux en recensant les souhaits des professionnels, savoir ce qu'ils voulaient, ce qui était pertinent pour eux de changer.
Cet état des lieux a montré que la constitution des équipes responsabilisées répondait à l'attente de l'équipe. Donc, nous nous sommes lancés dans un deuxième sondage où nous avons interrogé les professionnels sur le modèle des équipes, en leur demandant à quelle équipe ils voulaient appartenir et les rôles qu’ils voulaient avoir dans l’équipe.
Nous avons réussi plus ou moins à répondre aux attentes de tout le monde. En parallèle, Anthony a décidé de lancer lui-même son équipe de modèle responsabilité au sein de l'équipe ACV (agent cadre de vie). L'équipe s'occupe de l'entretien, de la lingerie, de la restauration.
L'équipe d'Anthony étant plus restreinte que l'équipe soignante, cela nous a permis de faire un deuxième test sur le fonctionnement de ces équipes et donc cette équipe a constitué sa fiche de tâche et son organisation."
Julie C : "La clé, c'est la formation. C'est ce qui nous a aidés à avancer dans la même direction, à parler le même langage.
Nous avons laissé le choix aux équipes et ce sont elles qui ont pris la décision de se lancer avant d'être formées donc ça appartient au modèle de la Résidence Noël Leduc. Aujourd'hui nous conseillons de faire autrement mais en tout cas ça c'est notre modèle.
Nous avons constitué les équipes responsables sans qu'elles soient formées et je pense que la clé du maintien c'est vraiment de maintenir cette formation en continu.
Aujourd'hui, on estime que cette formation doit revenir à intervalles réguliers parce qu'il y a des nouveaux salariés, qu'il faut maintenir une dynamique, qu'il faut faire des rappels, comme dans toute organisation. Nous formons une équipe tous les trois ans."
4. Le fonctionnement en équipes responsabilisées
Virginie D : "Nous sommes composés de trois équipes aujourd'hui, une équipe par étage. Chaque équipe a un coach. Chaque professionnel est référent d’un ou plusieurs résidents. Aujourd'hui, les coachs sont Anthony, Bénédicte, et moi-même.
C'est vraiment enrichissant. Je constate une avancée très agréable sur les projets personnalisés grâce à la notion de référent. Les équipes ont compris l'intérêt et prennent plaisir à connaître le résident davantage, à créer du lien avec les familles. Ce n'était pas du tout gagné quand ils avaient un salarié qui travaillait pour 50 résidents. Ils ne pouvaient pas connaître tous les résidents. C'est beaucoup plus enrichissant pour eux. Cela a été un atout majeur d'avoir des équipes plus petites."
5. Le rôle de directrice
Julie C : "Mon rôle reste toujours le même et il est clairement identifié auprès des équipes. Je pense que c'est plutôt le poids qui a diminué. Les missions sont restées les mêmes. J'ai toujours les mêmes réponses à réaliser aux enquêtes, faire les payes, faire en sorte que le taux d'occupation soit optimal. C’est ma vision des choses qui a changé. Aujourd'hui, je nous considère comme une équipe support, comme experte dans mon domaine. Je vais plutôt être sollicité par l'équipe quand il y a une difficulté précise. Nous avons éliminé tous les polluants, toute perte de temps.
Le fait de co-construire ensemble les solutions, nous fait gagner du temps. J'essaye d'élargir leur vision des choses en leur apportant des partenariats et des formations. Je peux me consacrer à la dynamique de projet, à améliorer la qualité de vie au travail en proposant d'autres actions. Le fait de voir une directrice épanouie est un confort pour les équipes. Cela apporte beaucoup de sérénité en fin de compte."
6. Valoriser les appétences de chaque collaborateur
Anthony T: "Les résidents sont contents parce qu'ils savent que les professionnels sont sectorisés. C'est toujours à peu près les mêmes agents qui interviennent. Ils connaissent parfaitement leurs habitudes de vie, les moindres détails."
Julie C : “L'enjeu est vraiment que personne ne subisse, que ce soit l'équipe qui subisse les décisions de la direction ou à l'inverse les collaborateurs qui disent : je vais être affecté à tel secteur alors qu'en fin de compte je ne m'y sens pas bien, on va me confier telle mission alors que je ne suis pas du tout à l'aise. Le but c'est que chacun puisse se retrouver à sa place dans l'établissement. En tant que manager, on ne peut pas avoir une vue sur tout, donc la première étape a été la constitution des équipes par choix avec la constitution de leur propre fiche de tâche et de leur propre planning.
Oui, on a eu des surprises, des gens qu'on n'envisageait pas du tout, par exemple, sur une unité protégée ou sur l'unité pour personnes handicapées, qui, justement, se sont dit, moi, j'aimerais bien. Et bizarrement, dans tous les points d'avancée de notre fonctionnement, à chaque fois, on s'est dit, à un moment donné, on va être face à un blocage, on ne pourra pas répondre. Et en fin de compte, ça s'est toujours bien passé. Il y a toujours eu des compromis qui ont été trouvés.
Par exemple, une salariée qui a pu dire, je voudrais travailler au premier étage, mais je ne suis pas fermée à travailler de temps en temps sur une unité protégée. Elle a créé son propre planning où elle intervient de temps en temps sur l'unité protégée.
Du coup, ça lui a permis aussi d'évoluer et de se faire un avis aussi sur ce qu'était le travail en unité protégée. Les personnes qui étaient très discrètes et qui ne parlaient jamais ont leur place en fait dedans.
Julie C : "Depuis la mise en place des équipes responsabilisées à la Résidence Noël Leduc, nous avons constaté une montée en compétences de chaque collaborateur. C'est assez surprenant en venant sur l'établissement car c'est vrai que l’on n'imagine pas un agent cadre de vie gérer les plannings estivaux et réaliser des comptes rendus.
Ce n'est pas sa tâche de base, mais grâce à cette nouvelle organisation, il y a des professionnels qui se révèlent. Il ne faut pas se fixer de barrières, de limites, il faut laisser une chance aux gens car ce modèle d'équipes responsabilisées va avec le droit à l'erreur.
Car oui, dans l’établissement nous nous accordons tous le droit de nous tromper. S'il y a une salariée qui exprime l’envie de travailler en unité protégée et que tout compte fait, nous nous rendons compte que ce n'était pas le bon choix pour elle ou pour les résidents, nous en parlons, nous essayons de voir s'il n'y a pas d'autres solutions. Nous essayons vraiment de construire ensemble au jour le jour.
Je pense que ça n'est pas une histoire de compétences de départ mais plus une question de philosophie de travail basée sur la confiance."
7. Le recrutement et l’intégration des nouveaux arrivants
Julie C : "Nous avons revu notre mode de fonctionnement en associant les collaborateurs au recrutement. Les professionnels participent aux entretiens d'embauche et sont chargés d’accompagner leurs nouveaux collègues pendant quelques jours sur le terrain.
Dans chaque réunion d'équipe, nous avons un ordre du jour prédéfini, et le sujet des remplaçants est à l'ordre du jour. Et donc on fait le point sur les remplaçants qui sont intégrés au sein d'une même équipe. Nous laissons le choix à l'équipe de pouvoir remettre en question l'intégration d'un collaborateur, et de la même façon de pourquoi pas s'interroger sur la volonté d'intégrer une autre personne, d'une autre équipe.
Le recrutement est principalement à la main des collaborateurs. On va dire que la situation s'est inversée. Nous, en fait, en tant que manager, on est plutôt là pour mettre un veto quand la candidature ne répond pas aux exigences réglementaires.
Chaque équipe a son propre fonctionnement, donc c'est l'équipe qui va gérer l'intégration du collaborateur au fonctionnement des outils. Donc ce ne sont pas les outils de la direction, c'est les outils de l'équipe qui sont présentés dans un classeur qui est voilà disponible, accessible et donc c'est normalement, alors nous il y a un consultant planning RH on va dire sur chaque équipe qui doit gérer l'accueil du salarié. Mais après, voilà, encore une fois, il y a des souplesses au sein de l'équipe et donc ça peut être chaque membre, je pense, qui se charge du coup de présenter les outils utilisés et de présenter aussi les attentes de l'équipe sur le poste."
8. Les impacts du modèle
Julie C : "Le premier impact a été sur l'accompagnement des résidents. C'était vraiment une belle satisfaction. Le président du CVS m'a dit « mais c'est incroyable ce que vous avez mis en place sur l'établissement. Je ne sais pas ce qui a changé, le fait d'avoir toujours les mêmes professionnels pour son accompagnement au quotidien, il trouvait ça révolutionnaire et il trouvait que ça avait vraiment changé son quotidien.
On a aussi le ressenti des familles, du fait des communications qu'on fait, des témoignages. J'ai aussi des familles qui m'écrivent en disant que c'est chouette ce qu'on met en place et que ça se ressent dès l'entrée en établissement. Ce n’est pas de la poudre aux yeux, c'est une ambiance.
La semaine dernière, Virginie a pu témoigner auprès de la MDPH aussi, on a fait un témoignage à l'ARS il y a moins d'un mois, ils sont venus aussi à la découverte des équipes responsabilisées, et c'est vrai qu'aujourd'hui on n'est même plus maître de cette image qu'on renvoie. Que ce soit auprès des autorités, auprès de nos partenaires, il y a vraiment un ressenti global qui est vraiment chouette.
En termes de chiffres, il y a un impact sur notre taux d'occupation. Le taux n'est plus subi par les équipes. Ils savent que c'est un enjeu au quotidien et que donc, à partir du moment où ils participent aux visites de pré-admission, où ils choisissent les résidents qui vont rentrer, ça facilite l'intégration et ça facilite le fait de maintenir une continuité dans notre fil actif.
Nous avons presque divisé par trois notre absentéisme. Donc en moyenne, sur 2024, on était à moins de 5%. On est à 4,9% d'absentéisme parce que les équipes se sont vraiment responsabilisées aussi sur leur absentéisme. Ils ont conscience de l'impact qu'a l'absentéisme sur l'accompagnement, mais aussi sur leurs collègues.
Il y a aussi Montessori, qui est très important dans notre établissement et qui a tout son sens aussi avec les équipes responsabilisées. On est passé à 4,9% en 2024 alors qu'on a pu atteindre des 18% sur l'année 2023.
Le turnover a été divisé par deux. On était plutôt sur une moyenne de 20% en 2022-2023 et en 2024, on était sur 10%. Une équipe stable, ça change le quotidien, on a confiance, on se connaît."
9. Une gestion des remplacements optimisée grâce au logiciel Hublo
Julie C : "Les équipes sont impliquées dans le recrutement des remplaçants. Nous avons un pool de remplacements qui est entretenu grâce à Hublo. Ce logiciel nous a permis de nous ouvrir à d'autres candidats potentiels. Les équipes choisissent leur remplaçant pour un congé maternité. Ce sont eux qui vont choisir la personne et qui vont pouvoir l'accompagner sur les sujets de consulting en fonction des responsabilités qu'ils endossent.
Pour les intérimaires et les missions ponctuelles, ce sont des missions qui sont postées sur Hublo au jour le jour.
On souhaiterait avoir des infirmières Hublo. Nous avons déjà créé une adresse mail d'astreinte, où elles pourront poster les missions et accepter les candidats qui se présentent."
Anthony T : "L'avantage est que dans Hublo, nous avons tous les documents qui sont transmis, nous ne devons pas redemander le CV, le diplôme. C'est vraiment quelque chose qui est confortable."
Virginie D : "C'est un support qui est unique parce qu'on a autant des intervenants extérieurs que des personnes en CDD dans l'établissement. C'est un outil qui nous permet aussi de réunir, de centraliser tous les remplaçants."