Ces informations font l'objet d'un traitement informatique par la société Compani conformément à la réglementation en vigueur en matière de données personnelles.
Merci et à très bientôt !

Visionner le webinaire

Oops! Something went wrong while submitting the form.

Créer des lieux de vie innovants et inspirants : les structures médico-sociales relèvent le défi

actus
12/12/25

Et si l’avenir du grand âge ne se jouait ni dans les protocoles, ni dans l’innovation technologique — mais dans un mot mille fois plus simple, mille fois plus humain : habiter ?

Habiter, non pas “occuper un lit”, non pas “être accueilli dans une institution”, non pas “recevoir des prestations”, mais vivre réellement quelque part, y laisser sa trace, y exercer son pouvoir d’agir, s’y sentir reconnu, utile, libre, surpris, relié. Habiter comme on habite une maison, un quartier, une place publique — avec ses humeurs, ses envies, ses lenteurs, ses contradictions. Habiter un lieu qui respire, plutôt qu’un lieu qui administre.

C’est autour de cette idée que s’est tenue la table ronde “Créer des lieux de vie et de rencontres” lors des Rencontres de l’Innovation organisées par Compani. Quatre acteurs du terrain — chercheurs, directeurs, coordinateurs, auxiliaires de vie — ont partagé une même conviction : le grand âge n’a pas besoin qu’on l’administre, mais qu’on l’accompagne dans sa puissance de vie.

- Kevin Charras, psychologue, chercheur, directeur du Living Lab Vieillissement & Vulnérabilités du CHU de Rennes. Il explore les environnements capacitants, les lieux thérapeutiques naturels, la réhumanisation du soin.

« Un lieu de vie n’est pas un lieu qu’on occupe. C’est un domicile. Et un domicile se reconnaît à des détails très simples tels que le test du frigo. »

- Corinne Antoine-Guillaume, directrice de la Résidence Kersalic à Guingamp. Cette directrice pionnière a transformé son EHPAD en village vivant, composé de hameaux, ouvert sur la ville, où les talents de chacun — professionnels et habitants — sont mis au cœur du quotidien.

« Quand un habitant dit : 'Ce soir c’est moi qui régale', il retrouve sa place dans la société. »

- Victor Louis, coordinateur de la Maison des Roses, habitat partagé Alzheimer conçu par Alenvi. Il expérimente le rôle de coach-facilitateur auprès des auxiliaires de vie de la maison.

“ Être en équipe autonome, ça prend plus de temps : on n'est pas le seul à pouvoir prendre des décisions, on doit parfois accepter des opinions qui ne sont pas les mêmes que les nôtres, mais au final, on y gagne toujours en richesse, en sécurité et en cohésion.”

- Ismahane Bensoula-Khemmar, auxiliaire de vie dans cette même colocation. Elle incarne l’humanité de l’accompagnement : l’écoute, la patience, l’humour, la capacité à impliquer les colocataires dans la cuisine, le ménage, les fêtes, les courses, les décisions.

« S’ils veulent faire le gâteau, même s’il y a de la farine partout, ce n’est pas grave. L’important, c’est qu’on le fasse ensemble. »

Ensemble, ils ont dessiné — par leurs exemples, leurs doutes, leurs petites victoires — les contours d’un changement culturel profond : redonner au lieu de vie sa vocation première — être un domicile vivant, joyeux et épanouissant.

SOMMAIRE :
  1. Un lieu de vie ou un domicile ? La question qui change tout
  2. Kersalic : un village où la vie se tisse par le don
  3. La Maison des Roses : vivre ensemble dans une colocation qui s’auto-organise
  4. L’ouverture : quand les lieux de vie deviennent des lieux de ville
  5. Prendre des risques, casser les codes

1. Un lieu de vie ou un domicile ? La question qui change tout

Pour Kevin Charras un lieu de vie n’est pas un espace où l’on “vit ensemble” à l’inverse du domicile d’une personne. « Un lieu de vie, c’est un lieu où une personne réside. Mais dans notre secteur, on devrait parler de domicile. » Et ce domicile se reconnaît à un test très simple: est-ce qu’on peut aller au frigo librement ?

« Si vous pouvez ouvrir le frigo et prendre ce que vous voulez, quand vous voulez, alors vous êtes chez vous. Si vous ne pouvez pas… ce n’est pas chez vous. »

De nombreuses structures annoncent : “ici, vous êtes chez vous”… mais tout, du réveil imposé au planning des repas, dit l’inverse. Kevin rappelle également que : l’autonomie ne se préserve pas principalement avec des activités ou des intervenitons, mais surtout avec des gestes quotidiens :

  • décider de son heure de lever,
  • préparer la table,
  • choisir son repas,
  • arroser ses plantes,
  • accueillir quelqu’un,
  • fermer sa porte pour être tranquille.

Selon lui, ces gestes sont les interventions non médicamenteuses puissantes — celles qui respectent la dignité, la continuité de soi, la mémoire incarnée. Le domicile n’est donc pas un bâtiment, c’est un environnement où chacun garde prise sur sa vie.

2. Kersalic : un village où le don appelle le don

Corinne Antoine-Guillaume raconte la transformation de la résidence Kersalic, qui ne ressemble plus à un EHPAD classique : quatre hameaux, chacun avec son identité, sa dynamique, sa mini-culture. Un lieu où vivent des habitants et non des résidents. Un lieu où l’on ne demande pas aux professionnels d’entrer dans un moule, mais où on les positionne là où ils se sentent le mieux, là où ils sont en cohérence avec les profils des habitants.

Corinne résume son projet ainsi : « Pour nous, un lieu de vie, c’est du don contre don. Un lieu d’apprentissages mutuels. »

À Kersalic, les équipes ne travaillent pas “en procédures”, mais “en intentions” :

  • une équipe multiforme (soignant, animateur, psychologue, aide-soignant, agent de service) co-construit la journée en fonction des besoins et envies du moment ;
  • des hameaux vivent au rythme des habitants, pas de l’organisation ;
  • les talents personnels (cuisine, bricolage, chant, couture, jardinage) deviennent des ressources pour la communauté ;
  • les enfants des professionnels peuvent être accueillis en cas de grève scolaire, transformant l’EHPAD en micro-quartier intergénérationnel.

Le résultat ?
Une atmosphère de village où les jours ne se ressemblent jamais, où l’humain dans sa singularité a repris la place centrale :

“Comment on fait vivre ensemble les talents des uns et des autres? Et bien c'est ça notre quotidien. Et du coup, on arrive à voir des choses assez extraordinaires, parce qu’on peut le faire tous ensemble.”

3. La Maison des Roses : vivre ensemble dans une colocation qui s’auto-organise

‍Victor et Ismahane racontent leur quotidien dans une des maisons partagées d’Alenvi appelée la Maison des Roses. Cette colocation accueille 8 personnes atteintes de troubles cognitifs, maladie d’Alzheimer ou apparentée.

Les avantages de cette colocation pas comme les autres :

  • Les colocataires participent aux courses, aux repas, aux décisions.
  • Ils ouvrent eux-mêmes la porte à leurs proches.
  • Ils prennent le frigo d’assaut sans permission.
  • Ils s’habillent ou restent en pyjama selon leur humeur.
  • Ils choisissent les menus avec l’équipe.

Et surtout : Ce n’est pas le professionnel qui “fait à la place”, mais qui fait “avec”, explique Ismahane.

“Parce qu'une de nos valeurs importantes, c'est le faire avec : plutôt qu’une super pièce montée faite par un professionnel, on choisit toujours le gâteau au yaourt préparé par les colocataires, avec un qui a cassé un oeuf, l'autre qui a renversé la moitié de la farine à côté, mais ce gâteau a été fait ensemble.”

Cette cohabitation réintroduit la responsabilité, la spontanéité, la normalité de la vie quotidienne — ce que la structure institutionnelle efface trop souvent.

‍Victor explique la logique des équipes autonomes, un modèle inspiré des organisations libérées : moins de hiérarchie, plus de responsabilité partagée.

Chaque auxiliaire de vie a un rôle :

  • Référente repas
  • Référente événements
  • Référente matériel
  • Médiation
  • Gestion du planning
  • Parrain/marraine d’un colocataire

Les décisions sont prises collectivement, avec les familles et, quand c’est possible, avec les colocataires eux-mêmes. Victor rappelle une règle d’or :

« Dire une vérité dérangeante à ses collègues vaut mieux qu’une vérité camouflée : c’est une des grandes forces des équipes autonomes. »

‍Cette transparence crée de la sécurité psychologique, de la confiance et de la solidarité. Cela produit le cercle vertueux suivant : plus de confiance → plus de responsabilités → plus de fluidité → plus de personnalisation dans l’accompagnement → plus de confiance…

4. L’ouverture : quand les lieux de vie deviennent des lieux de ville

À la Maison des Roses, les enfants de la crèche, les voisins, les écoles du quartier, les familles défilent chaque semaine. Halloween, raclette, goûters, ateliers, fêtes : toutes les occasions sont bonnes pour faire de cet habitat un tiers-lieu intergénérationnel.

À Kersalic, cette ouverture atteint un niveau inédit grâce à une brasserie ouverte au public, “Les Papilles et les Mamies”, où les habitants participent au service, accueillent leurs proches, paient leur addition.

Corinne raconte : « Quand un habitant dit : 'Ce soir c’est moi qui régale', il retrouve sa place dans la société. »

L’EHPAD cesse d’être une fin de parcours isolée — il redevient un espace social vivant.

5. Prendre des risques, casser les codes

Les innovations ne sont pas que spatiales. Elles sont culturelles.

Corinne raconte comment, confrontée à des injonctions réglementaires, elle a parfois “débordé un peu des lignes… pour mieux les redessiner avec du sens”.

Quelques exemples :

  • Les habitants marchent pieds nus, s'ils ont envie
  • La toilette miroir : l'auxiliaire retire sa blouse ou sa chemise pour laisser apparaître un tee-shirt à l'imprimé reproduisant un torse pour inciter la personne âgée à imiter le geste et se laver.
  • Pas d’horaires imposés pour la toilette, le lever, les repas.
  • Des décisions prises avec les familles, qui doivent parfois accepter que leur parent soit en pyjama à 14h.

Ces choix impliquent une réflexion éthique permanente, et une écoute fine de ce que les habitants veulent réellement. Cette table ronde montre une évidence :
Créer un lieu de vie, ce n’est pas rénover des murs, c’est transformer une culture.

C’est accepter le désordre créatif de la vie réelle, laisser de la place aux initiatives, aux talents, aux imprévus, aux dialogues, aux risques mesurés. C’est, finalement, redonner aux personnes âgées ce que personne ne devrait leur retirer :le droit d’habiter, le droit de décider, le droit de contribuer, le droit d’exister.

Rechercher dans notre blog
Thank you! Your submission has been received!
Oops! Something went wrong while submitting the form.
Nos derniers articles
©2025 Compani - All rights reserved